Rudyard KIPLING : LA LOGE MÈRE

Rudyard Kipling

Petit-fils de pasteur méthodistes et fils de John Lockwood Kipling alors directeur de la Nouvelle École d’Art de Bombay, Rudyard Kipling est né à Bombay le 30 décembre 1865 et passera à l'orient éternel à Londres, le 18 janvier 1936.
Kipling est un écrivain britannique, auteur de romans, de poèmes et de nouvelles. Il était considéré comme un innovateur dans l'art de la nouvelle, un précurseur de la science-fiction et l'un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse.

LA LOGE MÈRE

Il y avait Rundle, le chef de gare,
Beazelay, des voies et travaux,
Ackman, de l'intendance,
Donkin, de la prison,
Et Blacke, le sergent instructeur,
Qui fut deux fois notre Vénérable,
Et aussi le vieux Franjee Eduljee,
Qui tenait le magasin "Aux Denrées Européennes".

Dehors, on se disait : « Sergent !, Monsieur !, Salut !, Salaam ! »,
Dedans, c'était : « Mon Frère », et c'était très bien ainsi.
Nous nous rencontrions sur le Niveau et nous nous quittions sur l’Équerre,
Moi, j'étais Second Diacre dans ma Loge-Mère, là-bas !

Il y avait encore Bola Nath, le comptable,
Saül, le Juif d'Aden,
Din Mohammed, du bureau du cadastre,
Le sieur Chuckerbutty,
Amir Singh, le Sikh,
Et Castro, des ateliers de réparation,
Le Catholique romain !

Nos décors n'étaient pas riches,
Notre temple était vieux et dénudé,
Mais nous connaissions les anciens landmarks
Et les observions scrupuleusement.
Quand je jette un regard en arrière,
Cette pensée souvent me revient à l'esprit :
Au fond, il n'y a pas d'incrédules,
Si ce n'est peut-être nous-mêmes !

Car tous les mois, après la tenue,
Nous nous réunissions pour fumer
Nous n'osions pas faire de banquets
de peur d'enfreindre la règle de caste de certains frères
Et nous causions à cœur ouvert de religions
Et d'autres choses
Chacun de nous se rapportant
Au Dieu qu'il connaissait le mieux.

L'un après l'autre, les Frères prenaient la parole
Et aucun ne s'agitait.
Jusqu’à ce que l’aurore réveille les perroquets
Et le maudit oiseau porte-fièvre ;
Comme après tant de paroles,
Nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes.

Bien souvent depuis lors,
Mes pas errants au service du gouvernement,
Ont porté le salut fraternel
De l'Orient à l'Occident
Comme cela nous est recommandé,
De Kohel à Singapour.
Mais comme je voudrais les revoir tous

Ceux de ma Loge-Mère, là-bas!

Comme je voudrais les revoir,
Mes Frères noirs ou bruns,
Et sentir le parfum des cigares indigènes
Pendant que circule l'allumeur,
Et que le vieux limonadier
Ronfle sur le plancher de l'office,
Et me fait retrouver Parfait Maçon
Une fois encore dans ma Loge d'autrefois.

Dehors, on se disait : « Sergent !, Monsieur !, Salut !, Salaam ! »
Dedans, c'était : « Mon Frère », et c'était très bien ainsi.
Nous nous rencontrions sur le Niveau et nous nous quittions sur l’Équerre,
Moi, j'étais Second Diacre dans ma Loge-Mère, là-bas !

 ***

Le poème la Loge Mère ou the Mother-Lodge a été publié en 1896 dans le recueil The Seven Seas

 

Rudyard Kipling the Seven seas

Je ne sais pas si ce livre a été traduit en français mais vous trouverez ce recueil, en anglais, sur Wikisource.

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