En France, à la fin du XVIIe siècle et tout au début du XVIIIe, on trouve des loges maçonniques écossaises dans le Berry, à Aubigny et à Saint-Germain-en-Laye. Enfin, un événement d'importance considérable devait se produire à Londres, le 24 juin 1717, lors de la fête de la Saint-Jean d'été. Quatre loges qui végétaient au point de tenir leurs assemblées dans quatre cabarets : A l'Oie et au Gril, A la Couronne, Au Pommier, et à la Grappe de Raisin, décidèrent de mettre en commun leurs maigres ressources.
Telle fut l'humble origine de l'une des plus célèbres puissances maçonniques du monde : la grande loge d'Angleterre, dont le premier grand maître, Antoine Soyer, semble avoir été un petit bourgeois que rien ne prédisposait à jouer un tel rôle dans l'histoire du monde. En effet, le 24 juin 1717, pour la première fois, la franc-maçonnerie opérative cessait d'exister ; au lieu d'avoir pour noyau des ouvriers et des techniciens, elle appelait à elle tous les hommes de bonne volonté sans distinction de métier, de race, de religion ou de nation. Elle devenait ainsi spéculative dans la mesure où ses cadres devaient être formés surtout d'intellectuels et de philosophes.
Le premier d'entre eux qu'attira la grande loge de Londres et qui devait devenir son grand-maître, en 1719, était un Français, Jean-Théophile Desaguliers, né à la Rochelle, le 13 mars 1683, et dont le père avait été le chapelain de l'église française huguenote de Swallow Street. C'est à Jean-Théophile Desaguliers que l'on doit le livre le plus important de l'histoire de la maçonnerie, paru en 1723 : Les Constitutions des francs-maçons, contenant l'histoire, les devoirs, les règles de cette antique et vénérable institution. Préparé par ordre du duc de Wharton, ce document avait été réuni, mis au net et compilé par un pasteur, Anderson, avec l'aide de Desaguliers. On peut y lire ce premier paragraphe :
"Adam, notre premier ancêtre, créé à l'image de Dieu, le Grand Architecte de l'Univers, doit avoir eu les sciences libérales et en particulier, la géométrie, gravées dans son cœur, car, depuis la faute, nous retrouvons ces principes dans le coeur de ses descendants, en sorte qu'avec le temps on a pu en faire un système pratique de propositions grâce à l'observation de la loi de proportion telle qu'elle ressort du mécanisme. Ainsi les artsmécaniques ont donné au savant l'occasion de réduire les éléments de la géométrie en un système, et cette noble science ainsi organisée est devenue la base de tous les arts, en particulier la maçonnerie et l'architecture, et la règle qui permet de les développer et de les appliquer."
Ce texte capital des "Constitutions d'Anderson" semble justifier l'importance qu'il convient d'accorder à la géométrie symbolique dans la recherche des origines de la franc-maçonnerie. En effet, Desaguliers, par l'intermédiaire d'Anderson, utilise, sous un voile archaïque, le langage scientifique de son époque et il parle de géométrie de la même façon qu'il devait traiter de la physique dans sa chaire de philosophie expérimentale à Oxford, où il avait remplacé le Dr Keil. Ce n'est donc pas là le langage d'un mystique mais plutôt celui d'un savant bien informé des théories newtoniennes qu'il utilise.
Dans ces conditions, nous trouvons dès les premières manifestations de la franc-maçonnerie deux origines, deux vocations, et non pas une seule.
é
La première purement traditionelle, plonge dans le plus lointain passé, dans le mystère réel qui entoure toutes les sociétés secrètes : on pourrait la nommer surrationnelle et symbolique, car elle se rapporte principalement à des influences hermétiques et magiques antérieures.
La seconde, philosophico-scientifique, est essentiellement une création de l'esprit moderne ; on peut la considérer comme l'expression d'un rationalisme fondamental qui se propose, non seulement d'expliquer les lois de l'univers, mais aussi de les utiliser pour le bien des individus et des sociétés. En d'autres termes, la franc-maçonnerie, quelles que soient les réserves que l'on puisse faire à propos de son influence réelle ou supposée, a été, est demeurera longtemps encore l'expression de la seule tentative sérieuse et durable de résolution du conflit profond d'un Occident déchiré entre deux mondes : celui de la sagesse antique et celui de la pensée moderne, celui de l'imagination et celui de la raison.
A partir de là, l'expérience initiatique même prend un sens nouveau. Elle n'est plus seulement comme celle des mystères d'Eleusis, un retour de l'être sur son éternelle histoire, une révélation de la présence intérieure des dieux célestes, elle devient aussi une invitation pour le triomphe terrestre d'un idéal fraternel et pour l'organisation d'une société parfaite, rationnellement et harmonieusement ordonnée. Cette double expérience tend ainsi à conciller dans l'histoire des individus comme dans celle des sociétés la vie évidente et la vie cachée, les rythmes du devenir et la lumière de l'immuable.
Voir aussi : Chapitre IV - Des privilèges aux tailleurs de pierre.
Telle fut l'humble origine de l'une des plus célèbres puissances maçonniques du monde : la grande loge d'Angleterre, dont le premier grand maître, Antoine Soyer, semble avoir été un petit bourgeois que rien ne prédisposait à jouer un tel rôle dans l'histoire du monde. En effet, le 24 juin 1717, pour la première fois, la franc-maçonnerie opérative cessait d'exister ; au lieu d'avoir pour noyau des ouvriers et des techniciens, elle appelait à elle tous les hommes de bonne volonté sans distinction de métier, de race, de religion ou de nation. Elle devenait ainsi spéculative dans la mesure où ses cadres devaient être formés surtout d'intellectuels et de philosophes.
Le premier d'entre eux qu'attira la grande loge de Londres et qui devait devenir son grand-maître, en 1719, était un Français, Jean-Théophile Desaguliers, né à la Rochelle, le 13 mars 1683, et dont le père avait été le chapelain de l'église française huguenote de Swallow Street. C'est à Jean-Théophile Desaguliers que l'on doit le livre le plus important de l'histoire de la maçonnerie, paru en 1723 : Les Constitutions des francs-maçons, contenant l'histoire, les devoirs, les règles de cette antique et vénérable institution. Préparé par ordre du duc de Wharton, ce document avait été réuni, mis au net et compilé par un pasteur, Anderson, avec l'aide de Desaguliers. On peut y lire ce premier paragraphe :
"Adam, notre premier ancêtre, créé à l'image de Dieu, le Grand Architecte de l'Univers, doit avoir eu les sciences libérales et en particulier, la géométrie, gravées dans son cœur, car, depuis la faute, nous retrouvons ces principes dans le coeur de ses descendants, en sorte qu'avec le temps on a pu en faire un système pratique de propositions grâce à l'observation de la loi de proportion telle qu'elle ressort du mécanisme. Ainsi les artsmécaniques ont donné au savant l'occasion de réduire les éléments de la géométrie en un système, et cette noble science ainsi organisée est devenue la base de tous les arts, en particulier la maçonnerie et l'architecture, et la règle qui permet de les développer et de les appliquer."
Ce texte capital des "Constitutions d'Anderson" semble justifier l'importance qu'il convient d'accorder à la géométrie symbolique dans la recherche des origines de la franc-maçonnerie. En effet, Desaguliers, par l'intermédiaire d'Anderson, utilise, sous un voile archaïque, le langage scientifique de son époque et il parle de géométrie de la même façon qu'il devait traiter de la physique dans sa chaire de philosophie expérimentale à Oxford, où il avait remplacé le Dr Keil. Ce n'est donc pas là le langage d'un mystique mais plutôt celui d'un savant bien informé des théories newtoniennes qu'il utilise.
Dans ces conditions, nous trouvons dès les premières manifestations de la franc-maçonnerie deux origines, deux vocations, et non pas une seule.
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La première purement traditionelle, plonge dans le plus lointain passé, dans le mystère réel qui entoure toutes les sociétés secrètes : on pourrait la nommer surrationnelle et symbolique, car elle se rapporte principalement à des influences hermétiques et magiques antérieures.
La seconde, philosophico-scientifique, est essentiellement une création de l'esprit moderne ; on peut la considérer comme l'expression d'un rationalisme fondamental qui se propose, non seulement d'expliquer les lois de l'univers, mais aussi de les utiliser pour le bien des individus et des sociétés. En d'autres termes, la franc-maçonnerie, quelles que soient les réserves que l'on puisse faire à propos de son influence réelle ou supposée, a été, est demeurera longtemps encore l'expression de la seule tentative sérieuse et durable de résolution du conflit profond d'un Occident déchiré entre deux mondes : celui de la sagesse antique et celui de la pensée moderne, celui de l'imagination et celui de la raison.
A partir de là, l'expérience initiatique même prend un sens nouveau. Elle n'est plus seulement comme celle des mystères d'Eleusis, un retour de l'être sur son éternelle histoire, une révélation de la présence intérieure des dieux célestes, elle devient aussi une invitation pour le triomphe terrestre d'un idéal fraternel et pour l'organisation d'une société parfaite, rationnellement et harmonieusement ordonnée. Cette double expérience tend ainsi à conciller dans l'histoire des individus comme dans celle des sociétés la vie évidente et la vie cachée, les rythmes du devenir et la lumière de l'immuable.
Voir aussi : Chapitre IV - Des privilèges aux tailleurs de pierre.