Franc-maçonnerie : L'esprit d'abord, la matière ensuite ou la recherche de l'idéal par l'Homme.


 L'esprit d'abord, la matière ensuite

Image et texte la Chrétienne des Alpes - Alpina 10/2004
Vie simple, recherche d'un bonheur constant, amour du prochain. écoute de l'autre, fraternité, tolérance, compassion, construction du temple, tels ont été les idéaux cité par les membre de la loge. Mais les réflexions inspirées par ce thème ont également jeté une lumière crue sur le décalage entre nos aspirations d'être humains et la réalité de la vie quotidienne.

Âme immortelle incarnée dans un corps de chair périssable, l'Homme vit obligatoirement dans la dualité et navigue entre l'idéal et réalité, entre le monde de l'esprit et celui de la matière.




Aucun symbole  n'explique aussi adéquatement notre parcours terrestre que celui du pavé mosaïque. Dans le monde manifesté, lumière et ombre sont indissociables, tout comme le bien et le mal, le jour et la nuit, l'amour et la haine, la joie et la tristesse. Cela, nous ne pouvons l'éviter, mais notre libre arbitre réside dans le choix du chemin : il y a d'abord la voie large qui, sur le damier, alterne le blanc et le noir. Elle est empruntée par le profane qui à chaque étape de son existence se trouve confronté à de multiples oppositions, ce qu'illustre le carreau entouré dans chaque direction d'une couleur opposée à la sienne.

Et puis, il y a la voie étroite suivie par l'initié, "plus fine que la lame du rasoir" nous dit Jules Boucher. Celui qui l'emprunte passe sur les joints constitués du ciment de la vérité qui unissent les dalles entre elles, et ainsi  évite le blanc et le noir qui ne font pas obstacle à sa marche. Il a trouvé le sens de sa vie et se réalise dans son idéal.  

La solution est en nous. 

Qu'en est-il concrètement ? De nombreux frères de notre atelier ont évoqué l'écart parfois considérable entre leur idéal  et la réalité de leur quotidien. D'où l'intérêt d'identifier la nature de cet écueil si fortement rédhibitoire. En fait, entre l'idéal et la réalité, il y a l'Homme, tout simplement ! Car l'idéal à besoin de l'Homme pour se réaliser. La lumière est toujours là, mais il faut des yeux pour la voir . Maître Eckhart affirmait à ce propos : "Je suis l’œil par lequel Dieu se regarde être."

Voici donc un pan du voile qui se lève : la solution est en nous, mais nous ne sommes pas pour autant arrivés au terme de notre réflexion : "Il n'y a qu'un seul obstacle à votre évolution : vous-même!" affirmait un sage. Et cet obstacle est source d'énormes tensions à l'intérieur de chacun d'entre nous : "mer infranchissable", "Grand Canyon", "combattre ses passions", "vaincre la réalité pour accéder à l'idéal", "guerre sur soi-même pour tenter d’accéder à une vie plus harmonieuse" telles sont quelques-unes des expressions relevées de notre séance plénière. Ce langage martial traduit le désarroi des frères face à une situation qui semble leur échapper. Il est aussi le révélateur d'une volonté d'empoigner le problème par le mauvais bout. 

Car il faut se rappeler la petite phrase moult fois répétée par le Vénérable durant nos tenues qui nous enjoint à nous lever. Cette injonction nous invite tout d'abord à reproduire physiquement ce lien entre le monde de l'esprit et celui de la matière, tête vers le ciel et pieds sur la terre. Puis elle attire notre attention sur la nécessité de mettre de l'ordre dans nos vies et de définir un ordre de priorité seul capable de nous permettre d'atteindre notre idéal : l'esprit d'abord, la matière ensuite. Cette primauté de l'esprit se retrouve dans toutes les traditions, et notamment dans la Bible : - Amassez des trésors dans le ciel, où les vers et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent." (Mathieu 6:20).

Dans la tradition hindoue, relevons les paroles de
Satya Saï Baba (1926-2011) qui affirme : " Mettre le G.A.D.L.U. au second rang de ses priorités, c'est comme ne pas lui accorder de place du tout ! " La franc-maçonnerie ne dit pas autre chose lorsqu'elle nous impose de positionner le compas sur l'équerre lors de l'ouverture des tenues au grade de Maître.

Maîtriser sa personnalité, ses tendances inférieures,ses bas instincts pour laisser parler sa nature supérieure, son individualité, et se laisser guider par la lumière, tel semble être notre défi, l'oeuvre d'une vie, peut-être notre principale raison d'exister.


Alors mettons-nous au travail avec courage et persévérance afin que l'idéal, peu à peu, imprègne notre réalité. Et réfléchissons à cette pensée d'Oswald Wirth : " A quelque grade qu'il travaille, le Maçon est au service de l'intelligence universelle, qui préside à l'évolution des êtres. Il se fait l'agent, le ministre de l'intelligence, l'exécuteur de ses intentions . Il est l'organe agissant, le constructeur qui ne suit pas son caprice, mais se conforme au plan général d'après lequel tout se construit." 
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Avec l'aimable autorisation de J. Tornay